I. Introduction Le mode de vie actuel dans la société occidentale industrialisée, marquée par un individualisme accru et l’éclatement des structures familiales, entraîne une perte de repères. La famille au sens restreint ou élargi, les camarades d’école, l’entreprise, le quartier d’habitation, ne constituent plus, pour beaucoup de personnes, un environnement personnel stable et permanent. Ainsi, les liens aux autres étant constamment interrogés, voire mis en cause, l’individu doit agir pour maintenir et recréer son environnement relationnel. Selon les sujets, les actions relationnelles ont un certain niveau de difficulté.
Le rapport à autrui est fondamental dans la formation d'un être humain, l'autre a d'abord plus d'importance que lui-même. Les premières relations hunaines se créent dans les familles, ce sont les modèles interpersonnels. Au cours de son développement personnel et social, l’adolescent doit acquérir des comportements, des attitudes et des valeurs nécessaires à son adaptation sociale. Ce processus peut être une source d’anxiété. II. La timidité II.1 La timidité sociale La timidité est un trouble qui se manifeste lorsqu'on entre en contact avec les autres personnes. Il se traduit par une grande gêne, une faible estime de soi, un manque de confiance en soi, un manque d'assurance et d'aisance. La timidité est un sentiment d'insécurité et se traduit par la peur. Selon une étude du psychologue Philip Zimbardo (1971), entre 40 et 60% des personnes présenteraient un certain degré de timidité. Si ce degré est bas, la personne un peu timide est souvent capable de trouver elle-même des solutions à ses difficultés relationnelles pour vivre une vie sociale et professionnelle épanouies. Christophe André et Patrick Légeron (1998), psychiatres à l'Hôpital Sainte-Anne à Paris, analysent dans leur livre « La Peur des Autres » le trac, la timidité et d'autres formes d'anxiété sociale, dont ils décrivent les manifestations psychologiques les plus fréquentes : Appréhension à se retrouver en point de mire de la part d'autrui ; se sentir observé, se croire évalué, penser que cette évaluation est négative,
La timidité, selon ces auteurs, est un type particulier d'anxiété sociale non pathologique, "exprimant une manière d'être durable et habituelle, marquée par une tendance prononcée à se tenir en retrait et à éviter de prendre l'initiative dans tout type de situation sociale, une gaucherie lors des interactions sociales, malgré un désir relatif de se confronter à certains échanges." Le tempérament est le style du comportement manifestant une certaine constance selon les circonstances et au cours du temps. Une des constantes est le positionnement sur une échelle entre l’extrême de la timidité et l’extrême de la sociabilité (Le Ny, 2000). II.2 La timidité amoureuse Alors que la timidité sociale concerne la timidité dans les interactions sociales, la timidité amoureuse se rapporte aux difficultés rencontrées dans les rapports de séduction. Ce concept a été créé par le psychologue Gilmartin (1987) pour décrire la timidité chronique et sévère. Il s’agit d’un degré d'inhibition sociale causé par une angoisse à l'idée de s'exposer à une interaction avec d'autres personnes. Cette peur est irrationnelle et persistante, suffisamment grave pour empêcher un individu d’entrer dans une relation intime. Gilmartin distingue les manifestations de la timidité amoureuse des symptômes de la phobie sociale ou de l'anxiété sociale. Les difficultés du timide en amour sont surtout liées aux sentiments qu'il éprouve envers une autre personne pour qui il a des sentiments. Ce type de timidité ne se manifeste donc pas nécessairement dans le cadre d'une réunion sociale courante. La personne qui souffre de timidité amoureuse a tendance à éviter ou fuir la personne objet de l’affect. Tachycardie, difficulté à s'exprimer, rougeur qui monte aux joues, mains moites, sentiment d'angoisse, étourdissements, tête baissée, regard fuyant, paralysie, sont quelques-uns des symptômes de la timidité en amour. (Ibid., 1987). Le traitement principal est à base de thérapie cognitivo-comportementale (TCC), par le biais d'un apprentissage, d'exercices qui permettent de renforcer la confiance en soi dans le domaine de la rencontre intime. III. Origines de la timidité sociale Les causes de la timidité sont multiples. Ainsi, des facteurs génétiques peuvent jouer un rôle : certaines recherches indiquent l’existence de prédispositions à la timidité. Selon Kagan (2004, 2005), de l’université de Harvard, 15 à 20% des enfants naîtraient avec une telle prédisposition liée au tempérament. Blackford (2013) de l’Université de Nashville aux États-Unis, chercheuse en neurosciences, précise que la timidité pourrait être « vue » dans notre cerveau. Lorsque nous sommes face à un visage nouveau, notre « amygdale cérébrale », qui suscite nos réactions émotionnelles (dont la peur), réagirait avec intensité. Plus nous serions confrontés à ce visage, moins la réaction serait intense, car nous nous sommes familiarisés avec lui, nous l’avons accepté émotionnellement, il ne nous fait plus peur. Chez les timides, les choses ne se passent pas forcément de cette manière. La chercheuse et son équipe ont constaté que pour les personnes très timides, la familiarisation ne se fait pas toujours, et que l’amygdale cérébrale reste suractivée. C’est pourquoi, même si nous croisons souvent des personnes, il est possible que nous soyons toujours un peu gênés à l’idée d’interagir avec eux. (Psychomedia, 2014). L’environnement familial dans lequel un enfant évolue exerce une influence sur le développement de sa timidité Souvent la timidité n’est pas uniquement la conséquence d’un traumatisme ni d’une héritage génétique, mais le résultat d’un mécanisme psychique de réflexe qui se construit au fur et à mesure du vécu. Ainsi, des remarques en apparence anodines, faites à un enfant, peuvent le conditionner à ressentir de l’hésitation, voire de la honte, avant de prendre la parole. De même, un événement traumatisant peut inhiber un individu. Une humiliation subie en public, un échec douloureux, une rupture inexpliquée. Certains événements peuvent laisser des traces et engendrer une timidité durable. L’inhibition sociale peut amener une personne à développer une véritable stratégie du timide qui a pour but l’évitement des situations interpersonnelles stressantes. Cette fuite empêche d’avoir une vie sociale riche et diversifiée. IV. De la timidité sociale à l’anxiété sociale La timidité est caractérisée par une anxiété sociale (ou en tout cas une « gêne » sociale) et une inhibition comportementale. L’anxiété sociale (phobie sociale) est aujourd’hui considérée comme un trouble très fréquent et préoccupant : les études épidémiologiques montrent que 2 à 4% de la population en seraient atteints (Pélissolo et al., 2000). La phobie sociale se caractérise par une conscience de soi négative, une peur persistante de situations d’interaction sociale où le sujet est exposé à l’attention et au regard d’autrui. Il craint alors d’être jugé, humilié, rejeté. La honte de leur trouble, leur inhibition, conduit les patients à s’isoler. L'angoisse s’entoure de nombreux symptômes neurovégétatifs, qui ne font que l’aggraver par peur que ces signes de faiblesse soient remarqués et jugés : tremblements, rougeur, mains humides et froides, vertiges... (Emilien et al., 2003). A cette phobie s’ajoute une anxiété qui anticipe toutes les situations où entrera en jeu le regard d’autrui : peur de trembler ou rougir lors d’une présentation orale, peur de paraître stupide, maladroit, pas à la hauteur lors de discussions entre amis ou collègues. Cette anxiété anticipatoire conduit souvent à une diminution des performances, donc un sentiment d’échec augmentant encore l’anxiété (Emilien et al., 2003 ; Kashdan, 2007). Le fonctionnement relationnel Pour étudier le fonctionnement relationnel du sujet anxieux social, nous nous intéressons plus particulièrement à la psychologie cognitive. L’anxiété est une émotion, Dans l’approche cognitive de l’émotion, deux des processus essentiels sont l’évaluation cognitive et la tendance à l’action. Le plus souvent, ces deux processus ne sont pas traités de manière consciente (Luminet, 2002). L'anxiété est le produit de l'évaluation cognitive. L'anxiété pathologique est génératrice d'anxiété. Dans de nombreux cas, elle devient une constante dans la personnalité du sujet et implique l'anticipation des risques hypothétiques ou réels des événements à venir. L’anxiété concerne les cognitions et émotions qui se développent suite à une situation évaluée comme menaçante : appréhension, incertitude, perception d’un danger imminent (Graziani, 2003). Selon Rouan et Pédinielli (2003), l'anxiété génère l'inhibition comportementale suivi de l'interruption des plans d'action, de vécus désagréables et de la recherche improductive de plans d'action de secours où les informations anxiogènes seraient privilégiées (Graziani, 2003). Pour Beck (1990) l'émotion induit l'adaptation par des actions, comme la fuite, l'évitement, l'approche et l'attaque. Certains raisonnements spécifiques permettraient des jugements rapides mais peu fiables. Ils produisent des jugements biaisés, causant des affects et conduites dysfonctionnelles. L’individu anxieux surestime les menaces et sous-estime ses capacités à les affronter. Un biais attentionnel sélectif fera que l’individu traitera en priorité les stimuli relatifs à son anxiété, un biais d’interprétation le fera interpréter tout stimulus ambigu comme en lien avec son trouble (Rusinek, 2004). L’anxiété suit la perception de difficultés anticipées en rapport avec un événement futur, et s'exprime par un sentiment de stress, de peur, d’inquiétude. La fonction adaptative de l'anxiété est bénéfique, car elle permet une anticipation de dangers réels. Par contre, l'anxiété peut avoir un effet excessif sur la vie quotidienne de l’individu, accaparer les pensées et entraîner des comportements d’évitement, de fuite. Le coping Le coping, faire face aux événements et situations, est défini comme un ensemble d’efforts cognitifs et comportementaux afin de gérer les demandes internes et externes qui mettent à l’épreuve les ressources d’une personne, pour surmonter les événements stressants. Les fonctions de base du coping sont : agir directement pour éliminer ou réduire la demande et/ou augmenter les ressources. On distingue généralement le coping centré sur le problème (tentatives pour contrôler ou modifier la situation : effort accru, planification ou analyse logique) et le coping centré sur l’émotion (pour contrôler ou modifier la tension émotionnelle : recherche de support social, fuite, évitement, confrontation). Le coping centré sur le problème semble le plus efficace à long terme et dans le cas d’événements contrôlables. Tandis que le coping centré sur l’émotion serait plus adapté à court terme et pour des événements incontrôlables, car il soulage l’anxiété (Koleck et al., 2003). Les sujets avec un niveau d'anxiété élevé auraient tendance à examiner leur environnement à la recherche de menaces pour éviter une confrontation. Cette attitude les amènerait à repérer ces menaces plus fréquemment que la plupart des gens (Graziani, 2003). Les sujets disposant d’un haut niveau d’estime personnelle ont tendance à adopter des coping actifs et positifs, avec la volonté de toujours pouvoir contrôler leur environnement et vouloir supprimer les émotions de détresse (Carton, 2004). Les compétences sociales Dans la littérature, la notion de compétences sociales est présentée sous deux principaux sens : 1. Savoir décoder une information sociale permettant d’analyser une situation donnée ; 2 Etre capable de se comporter de façon adaptée et efficace, socialement acceptable ou estimée comme telle. Ainsi, les compétences sociales sont conçues comme une adaptation permanente du comportement de l’individu en fonction, par exemple, du vécu d’autrui, c’est pourquoi certains auteurs ont considéré l’empathie comme une compétence sociale fondamentale. D’autres chercheurs étudient les compétences sociales comme l’adoption de règles sociales et de comportements socialement responsables (Drozda et al., 2002). Pour ces derniers, les compétences sociales doivent être comprises comme des habilités sociocognitives. Elles peuvent donc permettre d’établir et de maintenir le contact avec l’autre, interpréter et réguler les situations d’interaction. Pour Servant (2002), les phobiques sociaux auraient des compétences sociales déficientes ou ne les auraient pas apprises. Pour lui, les compétences sociales sont l’ensemble des comportements verbaux (contenu du discours) et non verbaux (contact des yeux, voix, gestuelle) mis en jeu par un sujet dans ses interactions sociales. Comme certains anxieux sociaux ne présentent pas de déficit marqué dans les compétences sociales, nombre d’auteurs estiment que beaucoup de phobiques sociaux ont des compétences sociales adaptées, mais sont inhibés quand ils doivent les appliquer. Cette inhibition comportementale ou sociale, selon Emilien (2003), entraîne l’inaction, c'est-à-dire qu’une planification comportementale est réprimée avant son exécution. V. Conclusion Nous avons discuté de certaines solutions pour la timidité dans cette article et nous y ajoutons les soins proposés par des spécialistes pour guérir ou améliorer l’anxiété :
Bibliographie André C., Légeron P. (1998) La Peur des Autres. Editions Odile Jacob, Paris. Beck A.T., Freeman A. (1990) Cognitive therapy of Personality Disorders, The Guilford Press, New York. Blackford J.U., Allen A.H., Cowan R.L., Avery S.N. (2013). Amygdala and hippocampus fail to habituate to faces in individuals with an inhibited temperament. Social, Cognitive, and Affective Neuroscience, 8(2), 143-150. Drozda-Senkowska E., Gasparini R., Huguet P., Rayou P., Filisetti L. (2002) Acquisition et régulation des compétences sociales, in Programme Cognitique - Action Ecole et sciences cognitives. Ministère de la Recherche, Paris Emilien G., Durlach C., Fontaine-Delmotte M., Fontaine O., Boyer P. (2003) L'anxiété sociale. Mardaga, Sprimont, Belgique. Gilmartin B.G. (1987). Shyness & Love: Causes, Consequences, and Treatments. Lanham, MD : University Press of America. Graziani P. (2003) Anxiété et troubles anxieux. Armand Collin (2005), Paris. Kagan J. (2004) The Long Shadow of Temperament, The Belknap Press of Harvard University Press Kagan J. (2005) A Young Mind in a Growing Brain, Lawrence Erlbaum Associates Publishers Kashdan T.B., Barrios V., Forsyth J.P., Steger M.F. (2006) Experiential avoidance as a generalized psychological vulnerability: Comparisons with coping and emotion regulation strategies. Behaviour Research and Therapy, 9, 1301-1320. Koleck M., Bruchon-Schweitzer M., Bourgeois M.L. (2003) Stress et coping : un modèle intégratif en psychologie de la santé. Annales Médico Psychologiques 161, 809–815 Le Ny J.-F. (2000). Grand Dictionnaire de la Psychologie, 930. Larousse, Paris. Pélissolo A. et al. (2003). Les phobies sociales. Masson, Paris. Psychomedia (2014). http://www.psychomedia.qc.ca/lexique/definition/timidite Rouan G., Pedinielli J.-L. (2002) Emotion et psychopathologie cognitive. In : H. Channouf & G. Rouan (Eds.), Emotions et cognitions (pp. 223-255). De Boeck, Bruxelles. Rusinek S. (2004) Les émotions. Du normal au pathologique. Dunod, Paris. Servant D. (2002) Soigner les phobies sociales. Masson, Paris. Zimbardo P.G. (1971). The Stanford Prison Experiment – A Simulation study of the Psychology of Imprisonment Conducted at Stanford University. Stanford U
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5/11/2022 15:12:07
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